Résumé B. Ballandras présidente Association Affects et Aliments
Témoignage de Catherine Evrard, infirmière en pédopsychiatrie
Sur sa rencontre avec le livre de Bessel Van Der Kolk « Le corps n’oublie rien – Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme »
Catherine Evrard a appréciée cette approche théorique ouverte et pluridisciplinaire de l’auteur qui prend en compte la psychanalyse, l’approche clinique, les neurosciences et le corps somatique. Cette lecture a eu des retentissements sur sa pratique auprès d’enfants.
B. Van De Kolk est un des premiers psychiatres à mettre en exergue le syndrome post-traumatique. Sa curiosité le pousse à essayer de comprendre et de trouver des solutions pour aider ses patients en faisant de nombreuses recherches. Il n’y a pas une seule et même solution il est nécessaire de s’ouvrir et de faire preuve de créativité car le trauma laisse des traces au niveau de notre cerveau et les thérapies classiques n’offrent pas une aide suffisante. En effet le trauma altère la chaine narrative et gère une prise de parole sur les événements, nie le temps car le cerveau droit dit « émotionnel » prend le dessus sur le gauche qui gère les aires du langage. En conséquence les signes cliniques suivants peuvent apparaître : une agitation, le silence, la dépersonnalisation, la mélancolie, la dissociation, ainsi qu’une insécurité vis-à-vis autrui, un monde vécu comme terrifiant, des flashs back, des cauchemars.
La seconde partie du livre est sur sa clinique, notamment avec des enfants et sur la répétition post-traumatique constatée une fois adulte malgré les prises en charges avec peu d’incidence sur la clinique.
B. Van Der Kolk est intéressé pour différents types de prises en charges et a une grande ouverture clinique pour apaiser ses patients : études de pharmacologie, neurosciences, la prise en compte de la psychopathologie, mais aussi le neuro-feedback, yoga (parfois + intéressant que les médicaments), EDMR, théâtre. Il souligne l’importance de la déculpabilisation qui augmente l’apaisement trouvé comme piste d’ouverture et de réflexion.
Pierre Dalarun psychomotricien, spécialisé sur la prise en charge de la personne adulte en surcharge pondérale ayant fait un DU en santé sexuelle nous a fait un topo sur « Traumatismes sexuels, troubles alimentaires et obésités –approche en psychomotricité »
La prise en compte qu’une part des obésités est de nature traumatique. Les signes cliniques sont une prise de poids importante et rapide en lien avec des violences sexuelles subies. Elle est nommée « obésité traumatique » et elle est établie cliniquement mais peu sur le plan statistique. Cependant 30% des troubles alimentaires sans restriction avec une obésité correspondent à cette « obésité traumatique » selon Muriel Salmona psychiatre spécialisée dans les traumatismes sexuels.
Les troubles alimentaires reproduiraient l’anesthésie, la disjonction émotionnelle, la sensation de dégoût, les nausées dans une répétition post-traumatique des violences sexuelles subies et vécues comme un acte de domination d’un autre sur soi. Les représentations de soi comme « je suis sale, je me dégoûte et je vais dégoûter les autres » rejoueraient la salissure éprouvée à travers les stéréotypes discriminants des « gros-gras dégoûtants ».
Quelques chiffres : Fréquence des viols et tentatives de viols : 1 femme sur 8, 1 femme sur 6 avec une obésité. Ces chiffres augmenteraient avec la prise en compte du viol conjugal (selon une participante psychomotricienne à 1 femme sur 2 !). Par contre on note une parité pour les violences sexuelles chez les enfants de moins de 10 ans.
Pierre Dalarun insiste sur le fait que les prises en charges restrictives sont maltraitantes pour les obésités traumatiques car elles aggraveraient la dissociation psychocorporelle en n’étant entre autre plus à l’écoute de ses sensations corporelles.
S’il est diagnostiqué un syndrome de stress psycho-traumatisme, il a conseillé dans un premier temps de soigner sa mémoire émotionnelle et ensuite sa relation au corps et à son alimentation ; autrement dit de bien prendre en compte ce vécu traumatique antérieur et de comment la personne a pu se réaménager depuis avant toute tentative de perte de poids (ex chirurgie bariatrique).
Pierre souligne l’expression de B. Van Der Kolk : « Fraterniser avec son corps » car le traumatisme est avant tout corporel, d’ailleurs l’obésité pourrait-elle être comprise comme une somatisation ?
3 étapes pour la prise en charge psychomotrice de « l’obésité traumatique » sont proposées :
- Prendre conscience de soi et nourrissage
sensoriel (portage du petit enfant en nous) : retrouver une sécurité
intérieure, par ex. en prenant de conscience de la masse corporelle, sentir son
corps sensoriellement avec ses points d’appuis. - Structuration posturo-motrice et
spatio-temporelle : rétablir les fonctions défensives du corps (bulle
de protection), importance de la verticalité (lors du viol passage de la
verticalité à l’horizontalité, expression « être culbuté »). - Expression corporelle et Habilités socio-relationnelles :
s’exprimer avec son corps, rétablir les fonctions communicatives ; renouer
avec une sexualité sécure et être respectée.
Bibliographie citée
Bessel Van Der Kolk « Le corps n’oublie rien – Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme », publication américaine 2014, édition Albin Michel 2018.
Sophie Tran Van et Emmanuel Goldenberg « La thérapie de la dernière chance – Une patiente et son psy témoignent, 2019, Odile Jacob.
Roxane Gay, « Huger – Une histoire de mon corps », 2019, Denoêl.
Anne Fernandes « Des lettres à l’être – Traversée d’une mémoire traumatique », préface Muriel Salmona, 2019, Maia. https://www.youtube.com/watch?v=nuR9VF3LwIs
Véronique Cormon « Viol et renaissance –Comment faire d’un traumatisme une œuvre humaine ». 2004, Paris, L’Archipel.
Margaux Fragoso, « Tigre, tigre ! », littérature étrangère, 2012, Flammarion.
Film Precious de Lee Daniels avec Gabaourey Sidibe sortie en 2009