
Conte de la dévoration et roman de l’excès, Manger l’autre est une allégorie de notre société avide de consommer, obsédée par le culte de la minceur et de l’image conforme.
Avec force, virtuosité, et humour, Ananda Devi brise le tabou du corps et expose au grand jour les affres d’un personnage qui reflète en miroir notre monde violemment intrusif et absurdement consumériste ».
Commentaire : L’auteure dénonce le regard tueur des autres et de la société sur la personne grosse. Avec ce titre du roman : la dévoration de l’autre est figurée par un double gémellaire anorexique. Ce double figure une conflictualité interne, reproduite dans les conduites alimentaires : d’une faim insatiable sans faim à une faim de non faim. On entre dans l’univers intime d’une jeune fille humiliée depuis l’enfance par ses paires qui la condamnent et une mère qui abandonne. Son obésité de naissance sera aggravée par l’amour d’un père qui la gave sans aucune frustration contenante ; voir l’empoissonne dans une jouissance orale nourrie par des plats « divins ». Cette vénération sans limite l’emprisonne dans sa chair. Nous serons témoin d’une avancée progressive dans l’autodestruction car le regard meurtrier se retourne ici contre soi par la personne grosse, devenue obèse. Cela malgré le regard bienveillant d’un homme qui n’a pu faire écran, rempart, tant la haine de soi est forte. Une insatiabilité l’engloutie, l’étouffe progressivement et l’enferme, dans une métaphore de nos temps modernes où la consommation impérieuse et la prévalence d’une l’image de soi conforme prennent le dessus sur l’être.